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07/12/2009

Risques de la démocratie, possibilités de la monarchie.

La récente votation citoyenne en Suisse a provoqué un véritable tonnerre de réactions, de joie comme d’indignation, au risque de masquer certains éléments de réflexion soulevés par les résultats inattendus de celle-ci. En fait, cet événement politique a relancé la double polémique sur « le peuple » et « la démocratie », polémique qui, en France depuis le premier tour de l’élection présidentielle de 2002 et le référendum sur le traité constitutionnel européen, rebondit désormais régulièrement sans parfois beaucoup de discernement et de retenue, de part et d’autre !

 

Car, enfin, de quoi s’agit-il ? De savoir si la démocratie, si la pratique de celle-ci, rejoint le mot et son étymologie connue : « Pouvoir du peuple » ; de savoir si la forme « démocratie directe » est plus, ou moins démocratique que la forme « démocratie représentative » ; mais aussi de savoir ce que l’on met derrière le mot « peuple » et derrière l’expression « pouvoir du peuple » ; de savoir si, en fait, les débats actuels ne traduisent pas, au-delà de la nature de la démocratie, une sorte de « crise de la démocratie » ou, plus encore, la crise de la politique dans nos pays et la mésentente entre ce que Maurras nommait « Pays légal » et « Pays réel »…

 

Au regard des réactions indignées des gouvernements européens, il semble que la démocratie directe ne soit pas la plus appréciée par les Démocraties occidentales car, en remettant la décision politique aux électeurs eux-mêmes, pourtant théoriquement et constitutionnellement considérés comme source de la souveraineté et de la légitimité démocratique, le risque paraît trop grand pour les élites d’une « brutalité originelle » (ainsi que l’évoquent quelques constitutionnalistes) de la « Vox populi », c’est-à-dire, plus clairement, d’une inadéquation entre les idées des électeurs (en fait de la majorité d’entre eux) et les nécessités de la diplomatie et de l’art de gouverner… La démocratie représentative est censée être le filtre nécessaire aux volontés des électeurs, puisqu’elle limite le champ de la décision des votants à la sélection effectuée par eux de leurs représentants : d’où le poids pris par les partis dans cette forme de démocratie qui prétend ne pas confisquer le pouvoir des électeurs mais le (et les) représenter.

 

Je ne trancherai pas ici sur la meilleure forme de démocratie (pour autant qu’il y en ait une, ce qui n’est pas forcément impossible) ni sur les contradictions que ce que j’évoque plus haut entraîne au cœur même de la démocratie, dans son esprit comme dans sa pratique. Mais je profite de l’occasion pour rappeler que, sans être un régime parfait (ce qui n’existe d’ailleurs pas, puisque le politique est éminemment humain, et que l’humanité se définit justement par son imperfection qui la distingue de la divinité, selon la théorie classique), la Monarchie « à la française » dépasse certaines contradictions de la démocratie parce qu’elle distingue des espaces politiques différents, dont chacun dispose de ses propres modes de légitimation et de pratique (le couple monarchie a-démocratique/démocratie a-monarchique) : ce que le légiste de l’Ancien Régime résumait par la formule « Sub rege, rei publicae » (« Sous le roi, les libertés publiques » ou, mieux, « les républiques »). Maurras le traduira par la formule « l’autorité en haut (au sommet), les libertés en bas (à la base) ».

 

Ainsi, autant la magistrature suprême de l’Etat ne doit rien au choix des électeurs, ce qui permet une grande liberté de décision à celle-ci (y compris pour prendre ou faire approuver les plus difficiles et les moins « populaires » aux yeux des citoyens-contribuables), autant un certain nombre de décisions sont-elles laissées à l’appréciation des citoyens dans leurs sphères de vie et de représentation professionnelles et locales : cela peut éviter bien des frustrations et, surtout, redonner le sens des responsabilités personnelles et publiques aux électeurs tout en leur permettant de décider, non de tout, mais de ce qui peut directement influer sur leur vie et sur lequel ils peuvent agir sans menacer l’équilibre social et national. Il ne s’agit plus pour les citoyens de seulement « arbitrer les élites » (comme c’est aujourd’hui le cas, de la présidentielle aux régionales façon actuelle) ou de répondre, parfois violemment aux décisions ou aux oukases du « pays légal », mais de « reprendre leurs pouvoirs », concrets, politiques ou professionnels, communaux ou provinciaux, etc. et de les exercer dans un cadre délimité qui n’empiète pas sur les pouvoirs régaliens de l’Etat, pouvoirs dont il est bon de mieux définir le cadre pour éviter des malentendus qui dresseraient les uns contre les autres. Subtil équilibre pas forcément facile à trouver puis à faire respecter, il faut l’avouer…

 

L’architecture de la Nouvelle Monarchie est évidemment à construire mais le principe d’une séparation des domaines d’exercice des Pouvoirs doit permettre d’atténuer les risques de conflits et de confusion entre les uns et les autres : quand nos démocraties actuelles semblent incapables de penser la diversité des espaces politiques autrement qu’en termes de conflictualité et d’affrontement, la Monarchie « à la française » pratique une « distinction et complémentarité active des pouvoirs » au sein du territoire national, sans négliger pour autant d’ailleurs le jeu des partis et l’espace électoral européen.

 

 

19/10/2007

Pays réel ?

Le nouveau traité européen va être ratifié en France par la voie parlementaire au mois de décembre, au grand dam des partisans du « Non » de 2005 qui se plaignent d’un procédé peu démocratique : il est vrai que « l’évitement du peuple » que semble être la procédure du Congrès versaillais peut apparaître un déni de démocratie mais c’est oublier que notre système repose d’abord sur le principe de la « démocratie représentative », beaucoup plus que sur celui de « démocratie directe », même si le référendum figure dans la Constitution française. Mais il est évident que le résultat négatif de mai 2005 l’a sans doute condamné aux yeux des européistes et des démocrates qui acceptent mal que le peuple se substitue à sa représentation légale… Cette méfiance du « pays légal » creuse un peu plus le fossé entre les citoyens et une construction européenne de moins en moins lisible et de plus en plus insidieuse, faute de foi et d’espérance.

 

Pour autant, le référendum est-il l’expression du « pays réel » tel que le conçoivent les souverainistes ou les nationalistes ? Ce n’est pas certain et il ne faudrait pas confondre « majorité référendaire » et ce fameux « pays réel » qui tient parfois plus du mythe et de l’illusion que de la réalité : n’oublions pas que la « majorité » est un concept qui n’est efficient que dans le cadre du « pays légal » et que si elle peut, à l’occasion, coïncider avec le « pays réel », elle n’en est pas forcément l’incarnation.

 

La grande question qui se pose à ceux qui mettent en avant le « pays réel » est celle de son incarnation politique et de ses « territoires » institutionnels : on en viendra sans doute à une formule d’assemblées provinciales élues mais aussi à des assemblées professionnelles et sociales, sans négliger des conseils municipaux aux responsabilités plus étendues. Les « nouvelles agoras » seront la tentative de rapprocher du plus qu’il est possible « pays légal » et « pays réel » mais il faudra à cette architecture institutionnelle un « magistrat suprême », incarnation politique et symbolique de l’Etat susceptible d’indiquer les grandes orientations du pays, en particulier sur le plan diplomatique et de grande politique nationale : en somme, « libertés à la base, autorité et arbitrage au sommet » ou, mieux encore, « les républiques françaises sous le patronage du Roi »… Cela n’empêchera pas de penser à l’Europe mais en limitera, par une subsidiarité active, les dérives réglementaires qui la transforment en carcan kafkaïen et, de plus en plus, en « prison des peuples ».